Alcibiade
Alcibiade est une figure historique de première importance dans l’histoire grecque antique, à l’époque des guerres du Péloponnèse. Par sa mère, il est de la famille du grand Périclès. Général et homme politique athénien, il est élu Stratège en 420 av. JC. Dans la démocratie athénienne de l’époque des guerres du Péloponnèse, dix stratèges sont élus pour une période d’un an, commandent l’armée et rendent compte devant l’assemblée du peuple (Ekklesia) et le conseil des 500 (Boulé). Alcibiade est renommé pour sa très grande beauté, sa force, son courage. Il est brillant et séduisant, mais aussi très ambitieux, peu respectueux des lois et peu scrupuleux, contraint à l’exil, puis rappelé, il a été à la fois admiré et haï (Aristophane, les Grenouilles) : 'You should not rear a lion cub in the city, but if one is brought up, accommodate its ways.'
Il est aussi connu pour ses mœurs sexuelles ‘versatiles’ et sa débauche. Les relations entre Socrate et Alcibiade, où se mêlent pédagogie et pédophilie, le maître plus âgé transférant à son jeune disciple son savoir et sa sagesse par l’intermédiaire d’une relation amoureuse, sont évoquées dans plusieurs dialogues de Platon : particulièrement Alcibiade Majeur et le Banquet (‘Symposium’). Dans Alcibiade Majeur, Socrate veut séduire Alcibiade, alors âgé de moins de vingt ans mais déjà dévoré d’ambitions politiques ; Socrate veut le convaincre qu’il n’a pas encore la maturité suffisante pour exercer le pouvoir et qu’il veut lui faire bénéficier de son expérience (il doit d’abord apprendre à se connaître lui-même ; ‘gnothi seauton, connais-toi toi-même’). Dans le Banquet, dialogue sur le thème de l’amour entre Socrate, Agathon, Pausanias, Aristophane et d’autres participants, c’est Alcibiade qui est amoureux de Socrate. Il n’est pas invité au banquet, force la porte et, ivre, fait une véritable scène de jalousie à Socrate ! Alcibiade fait l’éloge de Socrate et le compare à un silène : 'Je déclare qu'il est tout pareil à ces silènes qu'on voit exposés dans les ateliers des sculpteurs, et que les artistes représentent un pipeau ou une flûte à la main ; si on les ouvre en deux, on voit qu'ils contiennent, à l'intérieur, des statues de dieux.'
Dans la mythologie, Silène est un satyre, fils d’Hermès, père adoptif de Dionysos. Il personnifie l’ivresse et est généralement représenté sous la forme d’un vieillard jovial, grossier, bedonnant et très laid. La comparaison d’Alcibiade n’est pas qu’une moquerie, car les statues des silènes contenaient des représentations précieuses des dieux olympiens en argent ou en or. Cette comparaison des Silènes d’Alcibiade sera reprise de nombreuses fois dans la littérature classique pour s’appliquer à tout ce qui, sous une apparence vile, dissimule un fond précieux : Chaucer (les Contes de Canterburry); Erasme (Adages, Eloge de la Folie) ; Rabelais (Gargantua). Alcibiade apparaît aussi dans les Essais de Montaigne (dans le chapitre "de l’institution des enfants") mais plus pour ses talents d’adaptabilité et de flexibilité (athénien, puis au service de Sparte, puis des Perses …).
A signaler aussi que les Silènes sont aussi des papillons … Myrina Silenus est un magnifique papillon dont les ailes ont une teinte bleue iridescente remarquable.
En 415 av. JC, au moment où la flotte athénienne doit appareiller pour Syracuse en Sicile, les Hermai athéniens ont été mutilés et vandalisés. Les Hermai, dieux phalliques des frontières symbolisent la puissance d’Athènes … et des athéniens. Ce sont des représentations du dieu Hermès grec (qui deviendra Mercure au temps des romains) souvent ornées d’un phallus en érection. Alcibiade et ses troupes ont été accusés d’avoir commis cette profanation (l'affaire des Hermocopides, et nous ne savons d'ailleurs pas si la profanation des hermai est une castration ou une mutilation du visage) et Alcibiade sera contraint à l’exil, trahira Athènes et se mettra au service de Sparte, puis des Perses, avant d’être rappelé à Athènes et d’être forcé une seconde fois à l’exil. Il sera assassiné en 404 av. JC en Phrygie (Perse).
La vie d’Alcibiade a été rapportée par plusieurs historiens dont Thucydide, Xénophon et plus tard Plutarque. De nombreux auteurs se sont emparés du personnage d’Alcibiade pour en faire un symbole de beauté superficielle, de dandysme, voire d’homosexualité. On le voit chez Oscar Wilde et Baudelaire comme dandy ; en icône de l’homosexualité, il apparaît dans plusieurs romans contemporains, comme dans 'The City and the Pillar' (un garçon près de la rivière) de Gore Vidal en 1948 aux Etats-Unis, livre qui fit scandale parce que c’était le premier vrai roman américain à mettre en scène des personnages clairement homosexuels. Le héros, Jim Willard, homosexuel, n’est ni efféminé ni travesti, mais sportif, athlétique et excellent joueur de tennis. 1948 est l’année où Nabokov est nommé professeur de littérature à Cornell University et sept ans avant la première publication de Lolita en France, autre scandale littéraire…