Les belles femmes qui prisent le tabac
Mais où sont les roses d'Eros et de Psyché,
Où sont les tulipes si fièrement dressées,
Que vous chérissiez à jamais ?
Et les parfums de nénuphar,
De lys et de jasmin qui, toujours, embaumaient
Votre poitrine sculpturale ?
Quel est ce désolant mystère ?
A ces fleurs et leurs arômes, vous préféreriez
Cette herbe verte et délétère
Changée en cette poudre finement broyée ?
- Ciel, à quoi bon ce savoir-faire ?
Comment est-ce possible, chère Clymène ?
Laissez-la au gris professeur de Göttingen,
Dans son vieux fauteuil à bascule,
Confit dans sa latinitude,
Toussant, tassant sa nicotine,
La pressant d’une main fanée dans sa narine.
Oubliez la à la moustache
Du jeune dragon à sa terrasse
Somnolant le matin, chassant ses idées amères
Dans la fumée de sa pipe en écume de mer.
Laissez la poudre à ces beautés sexagénaires
Aux grâces évanouies, aux amours rentières
Pour elles, ce sont les seuls plaisirs encore qui vaillent
Elles, dont pas un pouce de peau ne soit flétri,
Qui maudissent, qui prient, et qui baillent,
Et qui oublient, en prisant, leur vie assombrie.
Mais puisque le tabac, vous voulez à tout prix,
Je voudrais m'introduire dans votre tabatière,
Me changer en cendre et poussière ,
Pour que vous me cueilliez de vos doigts chéris,
Et j’irai m'aventurer jusqu'à votre cœur
Tout à ma passion, avec toute mon ardeur
En m'insinuant dans les plis de vos soieries.
Est-ce un vain rêve ? Mais ici-bas
Cela ne peut aller ainsi,
Hélas, diabolique jalousie!
Mais pourquoi ne pourrais-je être votre tabac ?
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