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Vladimir Nabokov
1899-1977
né à
St Petersbourg,
mort à Montreux

voir un site dédié aux
oiseaux en Picardie
voir aussi le site des carnets du Bon-Obs de Daniel

voir notre théorie
Solus Rex.

Feu Pâle, roman de Vladimir Nabokov

Feu Pâle : le poème de John Shade

Nous donnons ici notre traduction des deux premières strophes du chant un (Canto One) du poème de John Shade / Nabokov.

La traduction par Raymond Girard et Maurice-Edgar Coindreau du poème de John Shade dans l'édition française Gallimard de Feu Pâle est une traduction la plus fidèle possible de Nabokov. Nous proposons ici une version versifiée des deux premières strophes, forcèment moins fidèle ...

Chant Un

J’étais l’ombre du jaseur tué, percuté
Sur le carreau, trompé par l’azur reflété;
J’étais le pauvre monticule de duvet gris,
Mais je volais encor dans le ciel réfléchi.
Je me dédoublerais aussi dans la fenêtre,
Moi-même, ma lampe et la pomme dans l’assiette :
Rideaux ouverts, je laisserais rentrer la nuit,
Les meubles flotteraient sur le pré assombri.
Quel délice, tandis qu’une averse de neige
Ensevelissait mon bout de pelouse, assez
Pour que, sur la neige amoncelée, lit et chaises
Parussent meubler le jardin cristallisé.

Chute de neige encor : chaque flocon dérive
Lentement, insaisissable, opaque et fragile,
Ombre blanche et matte dans la pâle lueur
D’un jour tout blanc, devant des mélèzes irréels
Puis dans la double pénombre bleue, graduelle
Quand la nuit confond paysage et spectateur.
Et le lendemain matin, des diamants gelés
Emerveillent : quelles griffes d’oiseau croisèrent
De gauche à droite, la page blanche de l’allée ?
Je lis de gauche à droite dans le code de l’hiver :
Sont écrits : point et flèche pointant à l’envers,
Point, flèche à l’envers … c’est la trace d’un faisan !
Sublime oiseau au collier, coq éblouissant,
Tu trouves ta porcelaine derrière ma maison.
Chaussé à l’envers, sortirais-tu d’un roman
De Sherlock Holmes, tes traces semblant à reculons ?
...

traces de faisan

faisan dans la neige

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Le meurtre du poète et le vol du poème annoncés dans les premières strophes ...

Le jaseur

waxwing

Jaseur est la traduction de 'waxwing'. Le waxwing est un passereau des forêts boréales de l'Eurasie et de l'Amérique du Nord et dont la tête est surmontée d'une petite crête.

C'est un 'songbird', un oiseau au chant mélodieux : Le jaseur, comme il le dit lui même ('I was the shadow of the waxwing ...'), c'est le poète, John Shade qui nous apprend sa mort dès le premier vers du poème.

Le poète n'est pas abusé par le reflet dans la fenêtre mais par Charles Kinbote, qui l'assassine, s'empare du poème et voudrait s'en attribuer la paternité. Ce n'est plus le poète, mais Kinbote, son crime perprété, qui continue à voler dans le ciel réfléchi ('... I / Lived on, flew on in the reflected sky.'), alors que le poète n'est plus qu'un pauvre monticule de duvet gris ('I was the smudge of ashen fluff -...') . Comment ne pas voir aussi dans le faisan, le sublime oiseau, - mais souvent symbole d'orgueil et de prétention - l'image flamboyante de Charles Kimbote, qui vient chercher sa porcelaine chez le poète ('Finding your China right behind my house') : il vient voler le poème en brouillant les pistes ('Was he in Sherlock Holmes, the fellow whose / Tracks pointed back when he reversed his shoes?').

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Dernière mise à jour : 29/12/2012