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Alexandre Pouchkine
1799-1837

Alexandre Pouchkine

Pensées

Marchant le long d’une avenue bruyante,
Entrant à l'église, parmi les fidèles,
Ou au sein d’une jeunesse dissipée,
Alors je m’abandonne à mes pensées.

Et je me dis que les années s’enfuient.
Pourtant, ici bas, si nous sommes nombreux,
Nous devons tous rejoindre la voute céleste ;
D’ailleurs, pour l’un de nous, c’est déjà l’heure.

Et quand je regarde un chêne solitaire,
Je pense : ‘c’est le patriarche des forêts
Moi oublié de tous, lui survivra
Comme il a survécu à mes aïeux.’

Quand je caresse un enfant nouveau né
Immanquablement, je me dis : Adieu !
Il faudra bien que je te laisse ma place,
Et m’effacer pour que tes fleurs éclosent.

Chaque jour, à chaque heure de la journée
En permanence, je plonge dans mes pensées
Tentant de deviner combien d’années
Il me reste encore avant de mourir.

Où serai-je quand mon heure aura sonné ?
En guerre, en voyage, ou sur l'océan ?
Ou plus simplement la vallée voisine
Recueillera-t-elle mes cendres glacées ?

Bien qu’en y réfléchissant, je me dise :
‘Qu'importe où mon cadavre doit pourrir.’
Pourtant, proche de mon pays bien aimé,
Je voudrais y reposer pour toujours.

A côté de ma tombe, ainsi soit-il,
La jeunesse continuera de jouer,
Et la nature, juste et indifférente
Resplendit d’une beauté éternelle.

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Ce poème d'Alexandre Pouchkine est cité dans Pnine (ch. III-3), roman américain que Nabokov écrivit après Lolita et avant Feu Pâle. Le Professeur Pnine enseigne le Russe dans une université américaine ; le premier vers du poème constitue une 'ligne de la stupide grammaire russe' que Pnine utilise dans sa classe élémentaire ...